Axes du colloque

Nous vous proposons trois axes pour aborder les questionnements.

Axe 1 Présence, dans le monde éducatif

Des évolutions sociétales percolent dans le monde éducatif, qu’il soit formel ou non formel, académique ou non-académique. Il se traduit par l’évolution du rapport à l’institution, conduisant de nombreux apprenants à préférer les modalités à distance et ne se projetant dans une présence sur le campus ou dans un local dédié à la formation qu’au terme de la perception d’un intérêt qui dépasse l’effort du déplacement (Université Laval, 2022). Évolutions qui questionnent la notion de présence, de l’ici et du maintenant, qui organise nos pratiques et nos relations à autrui.

La médiatisation des actes de communication interroge les pratiques relationnelles entre acteurs de l’acte d’apprentissage. La relation éducative n’est plus un construit dans une unité spatio-temporelle de la salle de classe ou dans un local de formation. L’émergence de tiers- éducatif tel que les IA génératives convoque une réflexion sur la dimension humaine de la relation.

Dans ce contexte l’asymétrie fonctionnelle de la relation éducative en tant que l'ensemble des rapports sociaux entre formateurs et formés (Postic, 2001) peut rapidement engendrer des dynamiques instrumentalisant l’enseignement et la formation en raison d’insuffisances de présence à l’autre par une surmédiatisation des actes de communication et un rythme que ne donne pas à l’autre le temps d’être et de devenir. Il ne s’agit pas de réduire la relation pédagogique à sa dimension fonctionnelle et gestionnaire, mais davantage de la réinterroger dans ce contexte à la fois du point de vue des personnes enseignantes et formatrices que des personnes apprenantes.

Le formateur ou le professeur pourrait dévoyer de sa finalité cette asymétrie de la « juste distance » entre les acteurs de l’acte pédagogique:

  • S’il s’engage dans l’enseignement afin d’y forger un lieu d’élaboration de l’image ou d’affermissement de la perception qu’il a de lui-même.
  • S’il recherche principalement l’approbation de la part des personnes formées.
  • Si ses performances et ce qu’il identifie comme fruits de son enseignement lui permettent d’affermir la perception de sa pertinence.
  • S’il s’appuie sur une éventuelle notoriété professorale pour communiquer ses savoirs, accroître son influence, voire flirter avec une certaine manipulation des personnes formées.

Ici, on le perçoit assez clairement, l’activité d’enseignement peut être détournée partiellement de sa finalité lorsqu’elle est mise au servicedes besoins et des aspirations personnelles du formateur animé par une volonté de transmission davantage que d’appropriation. La relation de réciprocité avec la personne formée peut même être quasi inexistante telle que cela s’observe tout particulièrement dans les grands groupes propices à l’anonymat favorisant l'absence psychique quant bien même l'apprenant est physiquement présent (Svinicki et McKeachie, 2010).

De la même manière, la personne formée pourra aussi plus ou moins positivement tirer profit de cette asymétrie :

  • Si elle est méfiante, voire étrangère à toute réciprocité éducative en raison d’un inconfort, d’une crainte ou encore d’une incapacité psychologique ou affective à s’y investir. Elle pourra alors se placer en retrait et s’installer dans une certaine passivité.
  • Si son contexte personnel, professionnel font que sa disponibilité temporelle et psychique est altérée.
  • Si elle ne parvient pas à construire ce sentiment de présence nécessaire à la relation éducative ne trouvant pas de sens à la proposition pédagogique.

Initier, développer, maintenir et conclure une relation pédagogique suppose que les acteurs de celle-ci soient pleinement présents, au-delà d’une simple présence physique. La présence psychique est au cœur de cette relation et résulte de la construction d’un sentiment d’être présent à soi et à l’autre. Elle résulte d’actes de perception et de réflexion lesquels supposent le décodage de signes de présence et de conscientisation de cette présence nécessaire à la décentration de soi qui passe par autrui.

 

Axe 2 Compagnonnage, accompagnement et cheminements partagés

 

Lorsque l’enseignant ou encore que le formateur aspirent à développer une relation éducative avec les personnes qu’elles forment, les concepts de compagnonnage, d’accompagnement et de cheminements partagés proposent une direction et un sens qui qualifient et caractérisent les rapports humains dans l’acte pédagogique. Or, la dynamique pédagogique crée l’écart – qu’il soit symbolique, imaginaire, culturel, temporel, spatial, etc. – comme la distance nécessaire pour que puisse advenir la relation réciproque. Cet écart engage de multiples « inter » : inter/personnel, inter/relation, inter/culturel, etc. C’est dans cet espace, que crée l’écart entre la formation et l’enseignement, que peut survenir l’événement qui permet d’advenir à soi-même non pas dans le miroir de l’autre ou au profit de l’autre, mais bien par sa rencontre avec l’autre qui permet d'initier cette singulière rénonance pédagogique (Rosa, 2022). Aucune relation de réciprocité éducative sans que l’un et l’autre ne quémandent la rencontre de l’autre.

Aucune relation de réciprocité éducative sans l’effacement partiel de soi afin de recevoir l’autre, tout l’autre, chez soi. Aucune relation de réciprocité éducative sans la faim de l’autre pour exister soi-même. Non pas pour phagocyter l’autre, mais plutôt pour lui permettre d’exister sans l’annexer à soi-même ou encore le réduire à son ombre.

 

Axe 3 Environnements et pratiques éducatives : écologie de la présence

Le simple fait de se retrouver dans un espace partagé que ce soit un lieu physique ou en ligne ne suffit pas au sentiment de présence, ni même à l’établissement de la relation éducative. Toutes deux sont des construits qui résultent de multiples interactions entre des acteurs humains et les composantes de l’environnement.

Présence et relation éducative ne sont pas désincarnées, elles sont ancrées dans une diversité d’espaces institutionnels et non institutionnels, académiques et non académiques et mobilise une pluralité de ressources humaines, matérielles et immatérielles. Ainsi, la relation éducative peut être établie avec des pairs, des membres des sphères privée, familiale, professionnelle. Selon les sensibilités personnelles, la présence est davantage ressentie, vécue dans tel ou tel contexte, dans tel ou tel environnement.

Par écologie de la présence, il s’agit d’aborder les dimensions internes et externes, que ce soit au niveau micro de l’individu, meso du collectif ou encore macro de l’institution qui participent à la co-construction du sentiment de présence et de cette proximité éducative qui se traduit dans les rapports sociaux entre les personnes engagées dans l’acte éducatif.

Les ressources spatiales faites d’une diversité de lieux dans lesquels nous nous sentons présents et en relation participent de cette écologie de la présence contenue dans un écosystème attentionnel (Betton, 2022 ; Citton, 2014). De même, la nature des communications, la posture des acteurs de l’acte d’enseignement- apprentissage contribuent à l’établissement de liens et au sentiment de présence (Bois, 2023, Rinaudo, 2023).

 

Questions soulevées par ce colloque

Par le croisement de regards pluridisciplinaires, ce colloque propose d’aborder des questions actualisées par les évolutions numériques, sociales et sociétales :

  • Comment contribuer à la mise en place d’un environnement éducatif et accompagner des adultes dans leurs apprentissages lorsque la présence à l’autre semble faire défaut ?
  • Comment se faire présent d’abord à soi-même puisque la présence à l’autre comporte des risques face auxquels il est possible de se sentir ou bien menacé ou bien désarmé ?
  • Comment être présent à soi- même alors que la représentation et la modélisation de l’éducateur ou de l’enseignant peuvent inscrire ceux-ci dans une mise à distance d’eux-mêmes afin de se consacrer — presque illusoirement — àl’autre et à ses apprentissages ?
  • Comment favoriser la relation pédagogique lorsque l’encombrement intérieur est si important que l’accès à sapropre intimité est remis en question ?
  • Comment être présent à l’autre lorsque celui-ci semble offrir ou bien de la résistance ou encore fuirl’environnement et surtout la relation pédagogique ?
  • Par quelle avenue ou encore par quelle dimension est-il possible d’amorcer et de construire une relation pédagogique là où l’espace du « entre » est plutôt perçu comme une menace ou encore comme un risque de colonisation de l’esprit ?
  • Comment être présent dans la relation éducative alors qu’il est possible d’être en proie au sentiment de dispersion et d’éparpillement ?
  • Comment dans cette perspective aborder le design pédagogique pour que s’initie ce sentiment de proximité dans un climat de confiance qui soutient la présence psychique ?

 

Références bibiographiques

 

Betton, E. (2022). La coprésence physique comme médiation pédagogique, Enjeux éthiques de la présence professionnelle, n°13, automne 2022, 46-61.

Bois, C. (2023). La présence : élément participant à la création de l’alliance pédagogique, Distances et médiations des savoirs, 42/2023, https://doi.org/10.4000/dms.9176

Citton, Y. (2014). Pour une écologie de l’attention, Le Seuil.

Postic, M. (2001). La relation éducative, Presses Universitaires de France

Rinaudo, J-L. (2023). Présences à distance, Distances et Médiations des Savoirs, 44|2023.

Rosa, H. (2022). La pédagogie de la résonance, Le Pommier.

Université Laval (2022). Regard sur l'enseignement et l'apprentissage après 20 mois de pandémie, Rapport consulté le 14 février 2024.

 

 

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